Le lundi de Pentecôte, le pèlerinage sous les armes à Foy-Notre-Dame perpétue depuis bientôt 4 siècles une tradition basée sur un voeu du Comte de Rochefort et de la population. C’était en 1626. La peste et la famine sévissaient dans nos régions. Nombre de rochefortois y ont survécu ayant invoqué Notre Dame de Foy dont la statuette venait d’être retrouvée au coeur d’un chêne. Voici une évocation de cette découverte romancée par Paulette Nandrin.
Etifo
Imoard est un batelier de Dinant. Projetant de se construire une nouvelle embarcation, celui-ci achète à Messire de Celles un énorme chêne mesurant huit pieds de diamètre qui se dresse sur la route reliant Dinant au village de Foy. Pour l’abattre et le débiter, il engage Gilles de Wanlin charpentier à Foy. Un matin de juillet 1609, celui-ci s’exécute. Il cogne dur; l’arbre tressaille. Gilles cogne de plus belle; l’arbre s’ébranle. Tout à coup, dans un terrible craquement, il s’abat de tout son long. Il ne faudra pas plus de quelques minutes à l’œil expérimenté de Gilles pour constater que l’arbre est tout à fait impropre à l’usage qu’on lui destine… le tronc est fendu, l’intérieur est creux et le bois vermoulu. Averti de la chose, le batelier se résigne et, afin que tout ne soit pas perdu, ordonne de débiter l’arbre en buches et billots. Aidé par Gérard Thierry, domestique à la métairie de Foy, Gilles commence à scier le tronc en rondins. Vu l’état du bois, les deux hommes arrivent vite au coeur de l’arbre. C’est alors qu’ils découvrent une abondante poussière noire. Puis des pierres… beaucoup de pierres transparentes de la taille d’une noisette.
A peine sont-ils revenus de leur étonnement que leurs mains effleurent quelque chose de doux : une longue tresse blonde de cheveux. Et ce n’est pas fini. Ils découvrent encore trois barreaux de fer rouillé et derrière ce treillis apparaît une chose étrange… Gilles et Gérard bricolent un moment et, stupéfaits, dégagent une statuette en pierre de 25 centimètres!
Celle-ci représente une vierge portant l’enfant Jésus contre son sein. Un enfant hélas décapité et amputé du bras gauche par la vigoureuse cognée de Gilles qui crie maintenant au miracle! A la ferme voisine, on les a entendus s’exclamer et la servante accourt. Quelques minutes plus tard, elle est dans la cuisine de la ferme et sous le regard émerveillé des deux hommes, elle s’efforce de recoller les morceaux endommagés de la statuette. Une statuette visiblement non sculptée mais moulée dans un grès quartzeux gris foncé. Après concertation, le petit groupe décide de placer la statuette dans un autre chêne tout proche de celui qu’ils viennent d’abattre.
Elle y demeurera quatre années. Après une tentative d’effraction, on jugera plus prudent de construire une petite niche en maçonnerie sur le premier emplacement et d’abriter la madone au château de Celles durant la période des travaux, la madone au château de Celles.
C’est alors qu’on commence à parler de prodiges… Un dinantais, torturé par une volumineuse hernie, s’en va prier la Vierge de Foy et s’en revient chez lui soulagé de son mal. D’autres faveurs sont accordées par la Vierge et les pèlerins commencent à affluer. Ils viennent des environs mais aussi des Flandres, de Lorraine, d’Allemagne, d’Artois…

Foy-Notre-Dame,
son village et son église
Une première chapelle est construite et est visitée par les Archiducs Albert et Isabelle, gouverneurs des Pays-Bas. La foule devenant de plus en plus nombreuse, l’évêque de Liège dont dépend la localité fait bâtir une église plus vaste pour honorer Notre-Dame. C’est l’édifice actuel. Celui-ci est d’autant plus fréquenté que la peste et la famine avec leur cortège de misères désolent le pays. A en croire les témoins, inlassablement à Foy-Notre-Dame, cécité, hernies et autres fièvres pernicieuses disparaissent comme par miracle…
Appelés à desservir le sanctuaire, les Jésuites de Dinant feront réaliser des répliques en bois de la statue que leurs missionnaires emporteront à travers le monde. Notre Dame de Foy sera ainsi vénérée en Europe de l’Est comme au pays des Hurons: la cité de Sainte-Foy, au Quebec, doit son origine à ce culte venu de chez nous et à cette madone sortie d’un chêne.
Des archéologues se sont longuement penchés sur cette statuette. De leurs examens attentifs, il est ressorti que la Vierge de Foy aurait été fabriquée dans des ateliers d’Utrecht au XIVe ou au XVe siècle. Sans doute a-t-telle été vendue chez nous par des marchands hollandais remontant la Meuse. Un chêne serait devenu sa rudimentaire chapelle délaissée par la suite pour des raisons inconnues… Peu à peu, la statuette a disparu sous la poussée de l’écorce. La tresse de cheveux a vraisemblablement été déposée là par une jeune fille rentrant au couvent. Quant aux pierres transparentes, ce sont des cristaux de fluorine ramenés en surface par le soc des charrues…
Mais cela n’explique pas tout… et certainement pas le mystère de ces guérisons et de cette dévotion séculaire… Aujourd’hui, les pèlerins viennent encore nombreux de Rochefort et d’ailleurs. Les pèlerins mais aussi les touristes, avec ou sans foi, car l’église est d’une impressionnante richesse.
Le plafond à caissons tapissé de 145 tableaux enchâssés dans des panneaux de chêne est une véritable merveille d’art religieux: tableaux d’époque représentant Saints, Prophètes et Martyrs réalisés par les frères Stilmant architectes-sculpteurs dinantais. Tapissant les murs, 145 ex-votos témoignent aujourd’hui encore de la gratitude des pèlerins.
Au fond, dans cette histoire, il n’y a qu’une personne à avoir vite été oubliée par tous: c’est le batelier! Ce batelier dinantais qui cherchait simplement un chêne pour se construire un bateau…
Evocation de Paulette Nandrin
Publication originale dans « La Porte Ouverte » 347, mai 2016